Albert Girard
A l’horizon, les chimériques montagnes, qui sont, avec les changeantes splendeurs du ciel, la féerie de ce pays, courent en sens inverse des trains, tour à tour bleuâtres et mauves avec, selon l’heure du jour, des éclaboussures d’or vert à leurs cimes ou des ruissellements de neige rose sur leurs pentes, neige rose à l’aurore, or vert au couchant ; et c’est ici l’Atlas et ses hauts contreforts, dominant toute la plaine de la Mitidja avec Blidah couchée dans son ombre, aux pieds des oliviers de son vieux cimetière. Là-bas se sont les neiges comme incandescentes du Djurdjura, le Djurdjura, ce Mont-Blanc de la Kabylie, dont les crêtes baignées d’éternelles vapeurs trouent d’arabesques d’argent les réveils gris de lin, comme embrumés d’iris, de la rade d’Alger, et les crépuscules de braise et cuivre rouge, des ravins de Constantine.
Jean Lorrain. Heures d’Afrique
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Ulpiano Checa Sanz
Il est 9 heures ; depuis huit heures de suite, nous marchons ; le soleil darde et le sol embrasé papillote ; pas un être vivant, pas un bruit, pas un souffle. Depuis le départ, nous n’avons d’ailleurs pas rencontré trace d’habitation ou de vie en trente kilomètres. Tout à coup, là-bas, à l’extrême est, le paysage s’anime, de longues nappes d’eau étincelantes, au-dessus desquelles flotte une brise délicieusement rafraîchissante à voir, de longs troupeaux qui filent le long de l’eau, des arbres, des peupliers qui frissonnent sous le souffle de l’air, et au-delà, sur l’autre rive du lac, de petites collines douces, noyées dans le lilas. Il doit faire bien bon là-bas, de l’eau, de l’air, de la vie ; mais c’est simplement le mirage, un mirage éclatant.
Hubert Lyautey. Cité par André Le Révérend, Un Lyautey inconnu.
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